Beg / Steal / Borrow
Saturday, February 25, 2006
 

Ecrits vains 

La règle est la suivante : un texte peu importe sa longueur, qui reprend le texte d’une chanson, et qui doit tout sauf lui ressembler, pour s’occuper les soirs d’hiver un peu solitaires.

Fuck Forever – Babyshambles



« Fuck Forever ! !», elle commença par dire et soudain, de part sa voix éraillée, ses gestes agressifs et la couleur qu’avaient pris ses joues, elle perdit toute l’affection que j’avais pu développer pour elle.
Elle dut le remarquer sur mon visage, à moins que ce ne soit mes yeux, dérivant d’elle vers le comptoir du bar dont le bois s’effilochait sous mes doigts, qui donnèrent l’alerte, et quelques secondes, plus tard, se rasseyant sur le tabouret, revenant à ma hauteur, se penchant même pour capter mon regard, elle rajouta : « If you don’t mind… » avec cette voix ridiculement fragile qui m’avait d’abord séduit, juste avant que je ne me rende compte qu’elle sonnait plus fausse que fragile.
Elle restait là, avec ses grands yeux tout ronds, à essayer de capter les miens, si près de mon visage que je pouvais sentir son souffle, si près de mon visage que je l’aurai embrassée sans cette terrible odeur de bière. Elle attendait ma réponse.
« It’s one and the same » fut cette réponse, maladroite, avec mon terrible accent français qui ressort à chaque fois (à chaque fois !) que je suis gêné ou que j’essaie de paraître sûr de moi. « Don’t try to be gentle because it’s one and the same » finit quand même par complètement sortir hors de ma bouche lors de ma deuxième tentative pour réussir à achever ma phrase sans m’effondrer en pleurant.
« Oh, it’s one and the same ? It’s not supposed to be the same » assura-t-elle sans bouger, sans rien changer à sa voix si ce n’est une pointe de déception marquée par le point d’interrogation. Elle garda la bouche ouverte, comme pour appuyer cette expression encore plus. Je crus qu’elle aussi allait pleurer. Sa lèvre inférieure sursauta et frôla sa lèvre supérieure, une faiblesse, et à cet instant je m’attendais vraiment à ce qu’elle pleure. Sauf qu’elle ne pleura pas, que son souffle devint plus chaud, que je compris que ce n’était qu’un renvoi provoqué par la bière. De déceptions en déceptions, elle m’avait conduit jusqu’ici et j’ignorais si un jour je pourrai échapper à cette situation ou bien si j’étais condamné à la voir se répéter encore et encore jusqu’à la fin des temps. Je me suis dit : qu’ai-je fait pour être puni ainsi. Bien sûr, j’avais quelques réponses très plausibles, que je préférais immédiatement oublier, trop occupé à étouffer sous la douleur de la voir à nouveau s’agiter.
« But Yeah. Yeah after all, what the use between death and glory ? Me, I can’t tell between death and glory. Do you ? Neither New Labour and Tory. »
Personne, pas une seule âme, dans tous le pub, ne sembla s’inquiéter de ce brusque haussement de ton. Bien sûr, il était tard dans la nuit et bien sûr, je suppose que l’on aurait pu dire qu’il était à moitié vide. Mais pour moi, dans cette situation, craignant qu’à tout moment quelqu’un ne vienne pour nous faire sortir ou pire, pour appeler la police, ce sordide pub de quartier, planté au milieu de Manchester, fréquenté uniquement par des habitués et des riverains, saouls, mais dignes, semblait un coupe gorge dans lequel, en aucun cas, je n’aurai osé sortir un mot de trop de ma bouche, remuer sur ma chaise ou bien regarder, même par inadvertance, un seul des quarantenaires, fatigués, déçus par leurs propres espoirs, venus dépenser les restes d’une paie à peine capable de rivaliser avec l’assurance chômage dans la seule chose qui marche à chaque coup : l’alcool.
« Or Purgatory and no happy families » elle trouva bon d’ajouter, oubliant toute question de sens, oubliant peut-être même de quoi elle parlait, oubliant, je l’espère, pour qu’enfin elle se calme, ce que je lui avais fait et ce que je lui avait dit.
Toujours pas de réaction autour de nous. Elle, visiblement dérangée, avait mis un genou sur le bar et se servait désormais en bière directement à la pompe accrochée derrière la partie supérieure du bar. Le barman ne se retournait même pas, il se contentait d’essuyer des verres, près d’un lavabo, ignorant ou feignant d’ignorer les bruits qui ressortaient de sa conduite folle. Je pris un moment, une seconde en réalité, pour me demander si nous n’étions pas mort tous les deux dans cet accident qui avait causé notre rencontre, un quart d’heure plus tôt, ou était-ce une heure, devant ce bar, moi à moto, elle traversant la rue sans regarder, et la collision qui s’en suivit m’aveugla, me retourna, et m’expulsa sur le trottoir, à l’entrée même de ce pub, pendant qu’elle, ne criant même pas, agissant à peine plus bizarrement qu’une fille saoule, essayait de s’extirper de sous la roue, tournant encore, de ma moto. Je comprenais à peine qu’elle devait être une habituée du bar, qu’elle devait en sortir au moment où l’accident a eu lieu, puisqu’elle était saoul juste devant, quand un bruit effrayant vint avorter ma réflexion.
Avec son mollet traînant à sa suite sur le comptoir du bar, elle venait de renverser mon verre, vide, qui avait rebondi sur ma jambe avant de s’éclater par terre, dispersant des piques pointus de glace sur le sol, l’un transperçant le bout de ma chaussure gauche, l’autre se plantant dans ma jambe, quelques millimètres au-dessus de la chaussette. Elle rit, employant tous les moyens pour descendre du comptoir à reculons sans renverser d’autres choses ni me donner de coup de pieds. Je n’avais même pas vraiment mal. Par inadvertance, je regardais ses fesses. On pouvait dire qu’elle étais plutôt jolie. Si l’on avait du faire un panel, d’une centaine d’hommes, venant de tous les pays, de tous les horizons, de tous les âges et de tous les métiers, il n’aurait pas été étonnant qu’un peu plus de la moitié de ce panel la trouve à son goût. Une forte odeur d’eau de javel emplit mes narines d’un seul coup, alors qu’elle avait presque retrouvé sa place sur le tabouret, et je m’attendis à ce que le barman arrive avec de quoi laver le sol jusqu’à ce que je jette un coup d’œil derrière moi et que je le vois immobile, imperturbable.
Elle se pencha vers moi et me demanda si tout allait bien. Je répondis que oui, malheureusement trop tard, elle avait déjà vu les morceaux de verres plantés en moi. Elle devint blême et poussa un cri d’effroi qu’elle arriva pourtant, une première, à contenir en elle. Immédiatement, elle se plia en deux et toucha de ses doigts grossiers le morceau qui était dans ma jambe, provoquant des picotements désagréables jusque dans le haut de mon dos. Violemment, je tirais sur la masse de ses cheveux châtains jusqu’à remonter son visage, non sans qu’avec sa main toujours serrée autour de la paroi fragile et brisée du morceau de verre, elle l’arrache de ma jambe.
Droit dans les yeux, je lui dit : « Stop It ! That’s enough ! Everybody is looking at us », ce qui étais faux, mais je cru bon de lui éviter un discours sur ma paranoïa dans mon anglais qui sous le coup de la tension commençait doucement à me faire défaut. Elle ne me fit pas mal quand elle me retira le morceau de verre. Au contraire, je ressentis une impression de soulagement et quelques secondes plus tard, je me sentais déjà mieux et regrettais la violence avec laquelle je venais de la traiter.
« What ? Them ? They don’t care. They know me. You are not their type, believe me. But they have a way. A way to make you pay, you know, and to make you toe the line. I would’nt like it if I were you. I don’t like it. »
Ma main relâcha doucement ses cheveux et elle ne semblait ne m’en vouloir pour rien. Elle me regardait, droit dans les yeux, et retournait la position de force en sa faveur. Elle avança ses lèvres et les fit entrer en contact avec les miennes. Je ne réagis pas. Elle prit ça pour une incitation et fit entrer sa langue dans ma bouche. Je me contentais de fermer les yeux. Le baiser dura exactement le temps pour moi de me demander si ce n’était pas une pute. Après tout, elle en avait les manières et parlait avec ce même mélange de dureté et de fausse gentillesse. Rien ne semblait l’atteindre. Son visage et ses vêtements étaient un peu sale. En sa faveur, je l’avais tout de même renversée et projetée dans le caniveau.
En même temps qu’elle m’embrassait, elle tendit son bras vers mon pied et d’un coup sec, elle retira le dernier bout de verre de ma chaussure en même temps qu’elle priva mes lèvres des siennes.
« See, it was painless ! I know you, you know. You think you’re so clever, but you’re not very wise. »
Le barman, enfin soustrait à ses taches ménagères, fit sonner la cloche de fermeture, ce qui la rendit muette. Elle avait l’air déçue. Je déposais sur le comptoir de quoi payer pour nos verres à tous les deux et voulut partir en trombe, la laisser sur place, ne pas lui donner le temps de se rendre compte de ma disparition. Je voulais qu’elle soit surprise. C’était sans compter sur ma jambe qui décida de ne pas me suivre. Elle rit à nouveau devant mes gestes inélégant pour m’empêcher de tomber à la renverse. Je m’agrippais d’abord à mon tabouret mais, par essence encore moins stable que moi, il voulut me suivre à terre, alors je fis l’effort de maintenir mon équilibre sur une jambe jusqu’à ce que j’arrive à toucher le comptoir. C’est là que je sentis sa main, fraîche, douce, minuscule mais solide, qui prit la mienne et me remit d’aplomb. Je la dévisageais, saisi par cette transformation des sensations qu’elle m’avait procuré. Elle proposa de m’escorter jusqu’à la porte, enroulant déjà son bras autour de mon cou. Je ne trouvais pas les mots pour refuser. Nous étions les derniers à sortir. Elle me guida encore quelques mètres sur le trottoir tandis que la lourde porte se refermait derrière nous dans un claquement hâtif.
Je commençais à essayer de sortir de son étreinte quand elle dit quelque chose comme « I severed my ties » avec une voix d’outre-tombe, mangeant tous les mots comme si elle en avait besoin pour vivre, comme si elle avait besoin de leur énergie pour tenir debout. C’est à ce moment-là qu’elle, la personne chargé de m’aider à marcher, s’effondra à terre, ses jambes lâchant sous le poids de son corps. J’eus à peine la force d’amortir sa chute. Elle reprit immédiatement connaissance et s’adressant à moi de telle façon à ce que je sente à nouveau les reflux de bière, me remercia. Je voulais l’emmener dans un hôpital. Tant pis pour les conséquences. Elle refusa. Alors au moins je la ramènerai chez elle. Elle dit qu’elle habitait trop loin. Elle me demanda où j’habitais. Dans un élan maladroit de franchise causée par la proximités de nos maux, je lui avoua que j’habitais à un peu plus de cinq minutes de là. Elle voulut que je l’emmène chez moi. Juste le temps qu’elle se dégrise un peu, elle dit. Juste le temps de manger un petit morceau, elle dit.
Brinquebalant comme un vieux couple dans la nuit, je la ramenais chez moi. Sur le chemin, plutôt silencieux, elle déclara simplement « See, that’s a happy ending. Happy endings, they never bored me and they still don’t bore me ». Je préférais rester muet. Peut-être que je ne pouvais pas parler.
Arrivé chez moi, pour la première fois je ne regrettais plus que ma chambre d’étudiant soit au rez de chaussé. J’ouvris la porte du hall avec douceur, elle entra la première, je la suivis. Je mis quelque temps à trouver ma clé car je ne voulais pas allumer la lumière, sachant que la raie de lumière qui filtrait à travers les portes mal isolées des appartements réveillerait mes voisins comme elle me réveillait si souvent.
Elle me déposa sur le lit. Elle releva le bas de mon pantalon. Miraculeusement, elle semblait terriblement maître de ses mouvements. Elle regarda la plaie et me rassura : ce n’était rien. Elle souleva le bas de son t-shirt et révéla du milieu de son ventre jusqu’au milieu de son dos, une énorme contusion rouge. Je reconnus le pneu et le garde-boue de ma moto. Elle cria « Oh my god ! » quand elle vu l’étendu des dégâts. Je ne pus dire autre chose que : je suis désolé. En français. Elle me fixa avec assistance, comme si elle avait compris, comme si cela faisait parti de son vocabulaire français. Elle rajouta tout de même qu’elle était peut-être entrain de mourir d’une hémorragie interne. Elle retira complètement son t-shirt, l’étendu rouge montait jusqu’à cinq centimètre en dessous de son soutien-gorge, puis elle retira son jean et enfin sa culotte. L’étendue rouge allait jusqu’à ses pieds. Elle rit de frayeur en découvrant l’emprise qu’avait eu ma moto sur elle.
Elle était-là, devant moi, nue, une inconnue, une victime, sans pudeur, sans retenue, elle partageait ses blessures avec les miennes et prit ma main fermement dans la sienne pour que je touche la texture de l’étendu rouge. Elle était chaude et nivelée en plein de petits traits d’un millimètres ou deux. Ma main sur sa cuisse, descendant et remontant sous sa propre pression, elle gardait les jambes serrés pour me faire croire qu’elle essayait de me cacher son sexe. Elle me demanda où il y avait un miroir. Dans la salle de bain, lui répondis-je. Elle voulait voir ça. Elle voulait voir dans son entier ce que je lui avait fait.
Elle me dit « Don’t move, I’m gonna come back » et partit en petites enjambées, toute enjouée, me tournant le dos, ses fesses remuant avec ses pas. Arrivée devant la salle de bain, une simple pièce, séparée par une porte blanche, à l’autre de bout de ma chambre/salon, elle me regarda en marchant, tournant juste la tête vers moi et me dit « See, you don’t move. I’m stuck forever. I’m stuck in your mind. » Elle répéta « Your Mind. Your Mind » et disparut dans la salle de bain. « Your Mind. Your mind Your mind » elle continuait avec un rythme aussi précis qu'une sirène d’ambulance.
 
Comments:
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Ceci est mon quatrième blog, mais ils font tous partie d'une même ligne, en constante évolution. J'essaie de le tenir à jour le plus régulièrement possible, ça peut aller de toutes les semaines à tous les jours et jusqu'à mi-mars 2006, ce sera sans doute tous les jours.
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