Pourquoi les Libertines sont le plus grand groupe du monde
Les Libertines sont le premier groupe à avoir tiré leur carte du jeu au 21° millénaire. Oubliez Strokes, Arcade Fire et le reste, bien au demeurant, mais sans identité.
Les Libertines sont un groupe qui n'a jamais existé. De cette existence fantomatique, ils tirent leur force.
En octobre 2002 sort leur premier album : Up The Bracket
On découvre leurs meilleures chansons, leur style, leur amitié.

A l'été 2003, tout semble brisé, le groupe n'existe pratiquement plus.
En Octobre 2003, c'est la réunion.

En aout 2004, un deuxième album sort alors que le groupe a définitivement splitté.

L'histoire semble chaotique, rapide, mais plus anecdotique que signifiante. C'est là que la plupart d'entre nous font une erreur.
En y regardant de plus près, les Libertines ont enregistré leurs meilleures chansons avant de faire leur première couverture du NME, ce sont les Legs XI.

Au moment de mettre un point final à Up The Bracket, Peter et Carl mettent un point final à leur amitié, comme si tous ce qu'ils avaient en eux et qu'ils partageaient à été mis dans cet album qui ne leur appartient plus.
Dès l'hiver 2002, Carlos se lie d'amitié avec Danny Goeffy de Supergrass et Peter traine avec Wolfman.


A l'automne 2003, alors que tout le monde pense que le groupe s'est retrouvé pour ne plus se quitter, Carlos s'encastre volontairement le crane dans un mirroir, résultat : longue opération et Peter enregistre avec d'autres les HQ Sessions.
Quand sort "The Libertines", le groupe est dissolu et on y retrouve un amas de vieilles chansons ou de nouvelles qui ne sont plus crédités doherty/Barat : Music When The Lights Go Out, Narcissist (nouvelle version de Hooray For The Twenty First Century), Ha Ha Wall vieux tube live, Can't Stand me now écrit avec quelqu'un d'autre (Mark Hammerton) , The Saga avec Paul Roundhill, etc.
Ce n'est plus qu'un album posthume, une sorte de compils de chansons retrouvées et de chansons solos.
Ce que j'essaie de dire, c'est qu'à une époque où l'on fouille caves, greniers et soulseek à la recherche d'albums du Velvet, des Kinks, de Joy Division, tous ces groupes qui n'existent plus, les Libertines sont le premier groupe moderne à ne pas exister. Ils n'ont jamais existé. Jamais quand nous les connaissions. Leur âge d'or, c'était le moment où ils étaient des inconnus. Ils ne sont pas nés en octobre 2002. Ils y sont morts. Désormais, il ne nous restait plus qu'à chercher dans les chansons inédites, les albums inconnus, les live acoustisques, les side projects, pour essayer de trouver l'énérgie et la valeur des Libertines.
C'est très enfantin : on nous a donné un jouet, et on nous la repris immédiatement.
Rien de très savant là-dedans. Et loin de moi l'idée de dénoncer une manipulation. Ca s'est trouvé comme ça, et c'est pour ça qu'il s'agit du plus grand groupe du monde : il reflète parfaitement l'air du temps sans que personne ne s'en doute.
Dans une époque dominée par le mercantilisme, la froideur des comportoments et l'instrumentalisation de la rebellion, les Libertines étaient des vagabonds, des hédonistes et des romantiques. Des valeurs inestimables mais que pour retrouver il faut chercher.
Donc non seulement les Libertines ont un sens rare et opprimé mais en plus pour y parvenir, vous devez vous battre et vous investir. La définition d'un trésor quoi.
Et ce trésor est énorme. Tout sauf décevant. En quelques années on compte dans le coffre à trésor : un album inédit (Legs XI), des enregistrements de chansons inédites par-ci par-là (You're my waterloo, Smashing), des sessions acoustiques à la pelle, un album side-project (Down In Albion), une vingtaine de carnets de poésie scannés, etc.
Et ça ne s'arrêtera pas.
Bien sûr il y a des aspects merdiques dont je ne parlerai même pas. Bien sûr ils ont sans doute vendus moins d'albums en 3 ans que les Arctics Monkeys en trois semaines. Mais c'est JUSTEMENT une autre raison pour laquelle ils sont le plus grand groupe du monde : eux, et leur qualité, sont méconnues. C'est assez excpetionnel, non ? Il n'y a que les Smiths qui font le même effet. Avec tous les autres groupes, Beatles, Kinks, Floyd, Radiohead, il y a ce risque incontournable : voir un imbécile dire "ah ouais j'adore trop, c'est mon groupe préféré ! -Ah ouais t'aimes quoi ? - Ben euh tu sais là, euh, mais si là, euh, mince, tu sais le single super connu !".
Les Libertines, et leurs vraies qualités, la poésie, les collages cheap, les sessions acoustiques et les vieilles chansons, ne feront JAMAIS cet effet-là.
Et pourtant leur influence sera si forte qu'elle ne pourra être mesurée.
En ce sens, les Libertines sont notre Velvet Underground à nous. Un groupe décrié à l'origine, qui a duré peu, vendu peu, et qui a changé la face du monde, incitant chaque auditeur à créer quelque chose à son tour. J'en fait partie et ce que vous lisez n'existerait pas sans eux.
Ils sont encore plus obscurs puisque dans un monde où les disques sont des produits, leurs meilleurs chansons ne se vendent pas mais s'échangent et se découvrent.
Le seul moyen de mettre fin à ce charme sera sans doute, tout comme le Velvet Underground ou les Pixies, une réunion tardive.
Petits morceaux de trésor :

"I knew she wasn't English
For she spoke it far too well
The grammar was goodly and the verbs where they should be
And the slang was bang on the bell
But as the language barrier banged and clanged
I could not hear, hear nor see
London, England and Bow
Crumble into the sea."

"are you still bowling around after dark?
blowing your hope and slope in the wind
I lit a little fire from your chimney spark
I knew I’d never see you naked again
and the whole world is our playground
the whole world is our playground
take diablo by the horns
and stamp on his fire again
I heard that song on the radio
I’m all for losing my mind
try not to think about you every minute or so
but eh - they play it, play it all the time
and the whole world is our playground
the whole world is our playground
take the night by the hand
set it on fire again "
Et si je me débrouille bien, une petite radioblog dans le coin droit d'ici ce soir pour mettre d'autre trésors.